Le magazine Longueur
d’Ondes fêtait dernièrement ses 30 ans et je vous en parlais
ici
et aussi
ici. La soirée concert anniversaire a été pour la
Parisienne du Nord et moi, l’occasion de découvrir de multiples
talents et surtout un duo aussi prometteur que sympathique,
Lili Cros et Thierry Chazelle.
Avec des textes de
grande qualité et des mélodies accrocheuses, dans un style actuel
héritier des grands noms de la chanson française, Lili et Thierry
vous emmènent immanquablement dans leur monde autant sur disque que
sur scène. Et c’est backstage, au Pan Piper, que nous avons eu
l’opportunité de découvrir un peu plus leur univers que je vous
invite à partager grâce à cette interview qu’ils nous ont
gentiment accordée.
Quels sont vos
projets dans les semaines à venir ?
Thierry :
On a un rendez-vous très important, c’est la sortie du 2ème
album. On a toujours des moments où il faut mettre un tas de choses
en place. Et dans les choses qu’on a mis en place, c’est une date
à l’Européen le 27 mars qui est un mercredi soir où donc tout le
monde est libre.
Lili :
On le sait maintenant puisque la soirée Longueur d’Ondes est un
mercredi et c’est plein à craquer. Donc on sait qu’à l’Européen
ça peut être la même chose.
Mais d’ici là,
c’est vrai qu’on a des dates de concert et on a aussi des
périodes de résidence où on va travailler à nouveau ce qu’on a
déjà travaillé pour créer un nouveau spectacle. On aime bien en
fait travailler, jouer quelques dates et resserrer quelques boulons
et recommencer à jouer.
Thierry :
C’est vrai qu’on fait des disques mais on se considère avant
tout comme des gens de scène. Même si on apporte tout notre soin et
qu’on travaille comme des dingues pour avoir le meilleur son sur le
disque, ce qui nous préoccupe le plus reste quand même la scène.
C’est ce qui est vraiment dans nos cœurs et qui nous fait vivre
aussi. Parce que faire des concerts, ça fait vivre alors que vendre
des disques pas toujours.
A propos de votre
nouvel album, le titre est ‘Tout va bien’ et l’écriture de vos
textes reflète toujours un regard positif avec même une pointe
d’humour. Est-ce votre travail en duo qui vous fait aborder les
thèmes de cette manière ?
Thierry :
Je dirais que Lili - si je peux me permettre de parler de Lili -
avait une écriture assez sombre tout en étant toujours solaire sur
scène. C’est-à-dire qu’il y a avait toujours un sourire qui
faisait que, malgré le côté sombre, il y avait quelque chose de
lumineux. Moi j’étais sombre. (Rires).
Lili :
Oui, notre association a fait quelque chose. En fait, tous les deux,
on n’arrive pas à se prendre au sérieux. On voit les défauts
l’un de l’autre, on se taquine, on se cherche. Il y a une
émulation qui opère forcément à un moment donné et c’est donc
devenu positif. Par contre, c’est vrai qu’il y a des sujets
parfois graves. Dans le nouvel album, on peut parler de la mort, de
choses assez tristes.
Thierry :
Dans le spectacle, c’est vrai qu’on est dans quelque chose de
tendu et puis on va toujours vers de la luminosité, vers quelque
chose de souriant. Car c’est aussi ce qu’on considère comme
important dans notre relation avec le public. Ce n’est pas une
mission car ce serait exagéré de parler de mission mais on se sent
plus heureux quand les gens ressortent en souriant. Des fois, on a
effacé quelques tracas et donc, même si ce sont des chansons très
tristes, ça se termine toujours par un grand sourire.
Justement, à la
fin de la chanson "Le client d’Erotika", on retrouve, dans le
dernier couplet, un peu le panthéon de la chanson francophone. Y
avez-vous mis tous les artistes qui vous tiennent à cœur ou
avez-vous d’autres influences ?
Lili :
Oh il y en a plein d’autres !
Thierry :
Il y en a d’autres mais je me rends compte qu’à force de
connaître des textes de Boris Vian, je me trouve assez proche de cet
esprit un peu décalé, incisif, humoristique. Je me reconnais dans
Boris Vian. Il y a des influences un petit peu plus anglo-saxonnes
aussi.
Lili :
Oui, ado, j’étais fan de U2, Sinead O’Connor, Cyndi Lauper…
Ricky Lee Jones à fond. J’étais fascinée par les voix en fait,
sans me soucier vraiment de ce qui était raconté. Moi, mon mode
d’expression premier c’est la voix.
La chanson française
ne m’a pas touchée quand j’étais ado. Par contre plus tard,
j’ai découvert le plaisir de raconter des histoires à travers les
chansons à un public qui écoute vraiment ce qu’on lui dit. Et
quand tu comprends ça, tu n’écris plus de la même façon. J’ai
vraiment vécu ça avec le duo. En partant au Québec, où on s’est
retrouvé tous les deux avec Thierry en face d’un public qui vient
te parler des textes à la fin du spectacle. Je me suis dit ‘En
fait ils écoutent vraiment ce qu’on raconte !’ (rires).
Et là j’ai
commencé par contre à m’intéresser un peu plus au panthéon de
la chanson française, comme tu dis. Piaf me vient tout de suite à
l’esprit parce qu’il y a une voix et il y a aussi un désir de
raconter de belles histoires et des choses profondes. Il y a une
noirceur aussi dans Piaf.
Thierry :
Et après il y aussi quelque chose de comment dire… presque
mécanique. Des supers musiques avec de mauvais textes meurent plus
vite. On a moins longtemps envie de les chanter. Alors qu’un super
texte qui raconte une super histoire ça, ça peut durer des années.
Et ça, c’est très important aussi. On est séduit par des
musiques et on s’en lasse alors qu’un bon texte c’est quelque
chose qui dure.
Ecrivez-vous
ensemble ou séparément ? Comment fonctionne votre duo au
niveau de l’écriture ?
Lili :
En réalité, chacun écrit les textes qu’il chante. Donc j’écris
les textes que je chante en voix principale. On a eu du mal jusque-là
à écrire ensemble parce qu’en fait, pour le coup, on est très
très différents. On a des points de vue très différents sur
l’écriture. Par contre maintenant, on compose ensemble. On a
trouvé qu’on était meilleur ensemble que séparément (rires).
Thierry :
Je pense que la musique est plus du domaine du jeu. On peut
improviser, on peut tourner en boucle, etc…
Sur le texte, moi je
suis content qu’on continue à écrire séparément parce que je
trouve que Lili a un regard poétique que je n’ai pas. Et moi, j’ai
certainement un côté ironique ou un côté un petit peu méchant
qu’elle n’a pas.
Lili :
Ce n’est pas méchant mais tu aiguillonnes un petit peu.
Thierry :
Des fois ce n’est pas super gentil. J’ai écrit une chanson sur
‘Les fils de…’ et je trouve qu’il y a un peu de cruauté
dedans. Je reconnais ce trait que j’ai. J’aime cette cruauté et
j’aime cette poésie qu’a Lili. Ça m’embêterait que ça se
mélange et que ça fasse une sorte de moyenne gamme, d’eau tiède.
Donc j’aime bien l’idée qu’elle continue à écrire avec sa
propre vision du monde.
Et aussi du coup, on
a beaucoup de chansons qui se répondent. On peut presque les faire
fonctionner par paire.
Lili :
Oui parce qu’on vit la même vie et il y a forcément des choses
qui nous marquent ensemble. Donc on a envie d’écrire dessus tous
les deux, sauf qu’on a des angles différents.
Par contre, il y a
une chanson sur le nouvel album qui s’appelle "Les Amoureux" qui a été une écriture commune. C’était en fait une idée
d’Amélie -les –Crayons qui est une auteur, compositrice,
interprète. Elle cherchait à écrire sur un thème particulier et
n’y était pas arrivée. Elle nous a refilé le bébé et on a fait
un truc qui est resté dans les tiroirs. C’est une chanson rescapée
en fait. Après peut-être 8 mois d’écriture, on a finalement
réussi à la terminer et elle est sur l’album. Elle est donc
écrite texte et musique ensemble. C’est la seule.
Thierry :
C’est un thème qu'on connaît.
Lili :
Oui, les amoureux (sourires entendus).
Sans l’impératif
de ne pouvoir partir qu’à deux pour effectuer votre tournée au
Canada, aviez-vous déjà eu l’idée consciente ou inconsciente de
rencontrer votre âme sœur pour former un duo ?
Lili :
En fait, on était déjà ensemble.
Thierry :
On était déjà ensemble depuis 8 ans.
Lili :
Mais on avait chacun son groupe et on avait soigneusement évité de
travailler ensemble parce qu’au niveau intimité, ce n’est pas
possible. Et puis finalement, c’était l’occasion de tenter
quelque chose et aussi de partager la scène. Et ça s’est super
bien passé donc on a continué à partir de ce moment-là. Le Québec
a été fondateur.
Thierry :
ça a été une belle expérience.
Et parallèlement
à votre duo, vous avez des projets artistiques chacun de votre
côté ?
Thierry :
Le duo a pris toute la place parce que je pense qu’une des forces
de notre duo, c’est que chacun a pu continuer à s’exprimer. Il
n’y a donc pas eu de frustration. Le duo c’est comme notre projet
solo mais en duo. Lili a quand même été obligée d’abandonner un
petit peu l’esthétique rock. Et moi c’est pareil, je suis allé
un peu sur ses terres.
Lili :
Thierry est devenu un peu plus rock’n’roll, histoire de me
montrer que, quand même, il pouvait faire des trucs ! (Rires)
Mais en fait on a
trouvé un super équilibre parce qu’effectivement, on ne s’ennuie
jamais. Il y a les concerts, les disques et il y a aussi toute
l’action culturelle qu’on fait en allant parfois créer des
chansons dans les écoles avec les enfants. On a plein de choses
différentes à faire tout le temps. On ne s’ennuie pas et on aime
bien les faire tous les deux.
Ça nous donne de la
force car c’est vrai que c’est décourageant parfois. Et quand on
est deux, c’est moins facile d’être découragé. Il y a toujours
de la ressource et il y en a un pour relever un petit peu le moral de
l’autre, ce qui fait la force de notre duo. Donc on est
indépendants et on fait tout à notre façon et avec nos moyens.
Parfois c’est difficile mais à tous les deux, on ne s’en sort
pas si mal.
Lili, tu tiens un
journal sur votre site internet, ne serais-tu pas tentée de créer
un blog pour partager tes impressions ?
Lili :
Pour le journal en question, c’est Thierry qui a créé l’outil
internet car il a aussi des compétences d’informaticien. J’avais
envie de créer un journal à la fois pour garder le contact avec mes
proches, les gens que l’on voit peu finalement et qui se demandent
où nous sommes et puis aussi pour ceux qui nous aiment bien dans le
public et qui veulent suivre nos aventures.
Thierry :
Il y a quand même des projets artistiques dans ce journal. Par
exemple, la première année, Lili a pris tous les jours une photo du
point d’eau le plus proche. Et la deuxième année, une photo avec
une couleur par mois qu’elle s’était imposée au début de
l’année.
Lili :
Une photo par jour, ce qui donne une année arc-en-ciel comme une
carte de vœux pour l’année.
Par contre, mon
point de vue parfois je le publie mais c’est plus un journal de
création et pour montrer ce qu’on peut vivre et aussi l’intensité
et le rythme de notre travail. Pour l’instant, je ne ressens pas le
besoin de faire des éditos. Il y aurait plein de choses à dire
mais c’est plus sans jugement. Il n’y a pas d’engagement ni de
point de vue, ce serait plutôt aux gens de se faire leur idée en
fonction de ce que je leur montre.
Vous faites
partie de l’affiche des 30 ans de Longueur d’Ondes,
connaissez-vous le journal depuis longtemps et a-t-il eu une
importance particulière sur votre carrière ?
Thierry :
Oui bien sûr. J’ai croisé par exemple, dans les escaliers, Elsa
Songis qui est la première personne, je crois, qui a pris le temps
de faire un portrait de moi, de m’interroger longuement, d’écrire
un article qui ne faisait pas juste dix lignes en disant "Il a joué
à tel endroit, à telle heure".
Et donc c’était très
important. C’est aussi nos premières photos puisque Longueur
d’Ondes s’oblige à ne pas utiliser les photos de presse fournies
par les artistes mais à faire venir des photographes.
Donc à ce
titre, on a des portraits. Tout ça, c’est très fondateur pour
nous parce qu’à un moment donné, on se dit qu’on est un peu
tout seul et tout d’un coup, il y a quelqu’un qui dit "Ces
gens-là, c’est intéressant, il faut qu’on écrive un peu sur
eux". Donc on se retrouve avec une photo et puis, quand c’est les
premiers articles, une définition de ce que l’on est qui nous
paraît presque plus pertinente que ce qu’on pensait. Donc c’était
vraiment intéressant.
Lili :
Longueur d’Ondes sont vraiment des découvreurs. Ils aiment bien
gratter un peu la terre pour voir ce qu’il y a en dessous.
Thierry :
Ils aiment être les premiers.
Lili :
Ils aiment être les premiers donc c’est forcément un
encouragement. Je crois qu’ils ont encouragé énormément
d’artistes à persévérer parce qu’ils permettent d’avoir des
retours sur son travail, sur papier noir sur blanc.
C’est aussi un
média national. Et un média national c’est inaccessible pour un
artiste qui démarre. Ça apporte une dimension nationale et ça, ça
fait beaucoup de bien au moral. On ne peut que vraiment remercier
Serge Beyer et les journalistes de Longueurs d’Ondes. On est tous
là ici, contents de leur existence.
Nouvel album
‘Tout va bien’ sortie prévue le 2 avril prochain.
Le Parisien